
Des tisanes pour les abeilles
Publié hors série automne 2023

“C’est le plaisir de l’abeille de butiner le miel de la fleur. Mais c’est aussi le plaisir de la fleur de céder son miel à l’abeille, car pour l’abeille une fleur est une source de vie, et pour la fleur une abeille est une messagère d’amour.”
C’est en partant de ces quelques lignes de Khalil Gibran que j’essaie de vivre ma place, sur notre lieu de vie, une petite ferme sur laquelle les animaux et plantes se cotoient et s’entraident.
Alors quoi de plus naturel pour accompagner les abeilles que de réfléchir avec les plantes, en favorisant leur développement, arbres, arbustes, haies,….Leurs apports étalés en Nectar, Pollen, Fruits, Couleurs et Parfums vont naturellement contribuer à la santé de la ruche, comme de l’ensemble de la ferme et des ses occupants.
Les tisanes que nous allons proposer tout au long de l’année apicole vont venir renforcer ce lien à la plantes, au soleil et à la terre.
Mon activité principale est de m’occuper des abeilles. Je ne me qualifierai pas d’apiculteur car j’ai la chance de ne pas avoir besoin de produire de grosses quantités de miel pour vivre. Mon objectif est de préserver les essaims, de les accompagner dans leur développement et leur essaimage. J’organise et anime des formations autour de cette approche.
Mes interventions dans les ruches sont toujours très limitées, et respectent la physiologie et le rythme de l’essaim, sans visée productive.
Lorsque s’est posé à moi la question du varroa, le rucher école dans lequel je faissais mes premiers pas nous orientait systématiquement vers les traitements chimiques du conventionnel.
Cette solution m’a tout de suite posé souci, de la même façon que le nourissement productif au “sirop de sucre” qui était préconisé.
J’ai donc assez vite cherché des alternatives tant à l’une qu’à l’autre de ces préconisations. Mes lectures et mes rencontres m’ont fait découvrir des approches différentes.
Pour la lutte contre le varroa : les traitements avec les huiles essentielles, avec le champignon Amadou, avec Stratiolaelaps Scimitus (l’acarien du compost),… toutes ces alternatives m’intéressaient. Une à plus retenue mon attention : les tisanes de plantes.
Je décidais de creuser cette dernière. Plusieurs lectures, notamment dans Abeilles En Liberté me permirent de commencer à expérimenter. Un livre en particulier “A la santé des abeilles” Edition de Terran me permis d’améliorer la confection de mes tisanes.
Une base toujours identique :
De l’eau de bonne qualité : l’eau conduit les informations. Plutôt que l’eau du robinet, je privilégie une eau de ruisseau ou de pluie dans laquelle j’introduis 10 grammes d’argile par litre qui permettra notament de renforcer le système digestif de l’abeille.
Des plantes cultivées ou glanées à proximité.
- Orties ; stimultrice de croissance, structurante, régulatrice et antiparasitaire
- Romarin : dépuratif antibactérien, stimule l’armonie dans la structuration de la ruche
- Thym type Thymol: anti parasitaire, anti infectieux majeur
- Origan : antibactérien, antiseptique et anti-infectieux
- Matricaire : appaisante et calmante
- Laurier : digestif, apporte force et confiance
- Echinacée : renfort du systhème immunitaire.
- Achillée millefeuille : cicatrisante, structurante, équilibre, rafraichissante
- Lavande : Chaleur et renforcement, insecticide, calmante
- Sariette : Fertilité, Dynamisante,
- Valériane : Chaleur et lumière, calmante, antistress
- Pissenlit : apport de lumière si printemps humide, detoxifiant
Du miel
Idéalement je réalise les tisanes avec du miel (1kg/litre d’eau). Une dynamisation est la bienvenue lors de l’introduction du miel. Néansmoins en cas de manque de miel, il est possible d’utiliser du sucre et y introduire une cuillère à soupe de vinaigre de cidre par litre pour atténuer les risques digestifs.
Quand utiliser nos Tisanes ?
L’idée est de combiner les plantes, tout au long de la saison apicole, afin de répodre aux besoins que je peux déceler. Plutôt que de combattre les maladies, il est prérérable de favoriser l’immunité de la ruche.
Je n’administre pas systématiquement toutes les tisanes à toutes les ruches. Elles sont spécifiques à une situation et à un essaim. Il est donc important de s’écouter dans le choix des plantes utilisées, et de tenir compte de celles à disposition.
Mars : les premiers beaux jours arrivent, avec la floraison des pruneliers. Les ruches se réveillent. On voit les abeilles rentrer des pelotes de pollen quand les journées sont assez chaudes.
Nous pouvons proposer une tisane “Réveil de printemps”, (Romarin, Echinacée, Ortie). Cette tisane va contribuer à fortifier la ruche tout en étant antiparasitaire. 1/2 litre par ruche donné en trois fois à interval de deux jours.
Avril ne te découvre pas d’un fil :
Le mois d’Avril est souvent plein de surprises entre de très belles journées et des gelées.
Dans le cas de belles journées et d’essaimage, offrir aux nouveaux essaims une “Tisane d’accueil”, ( Romarin, Orties, Origan, Sariette), pour contribuer à la dynamique de l’essaim, construction, fertillité et antiparasitaire. A raison d’un litre de tisane donné en 5 fois, une prise par jour.
J’accueille ainsi tout les jeunes essaims de l’année.
Pour la nouvelle reine et surtout si le temps se raffraichit “Accompagnement à la Renaissance”(Lavande, Achillée, Sariette, Thym),pour apporter une dynamique de chaleur, le regroupement de l’essaim, la fertilité pour la jeune reine pas encore fécondée, antiparasitaire. 20 cl en une prise.
En cas de mauvais temps prolongé
je peux concocter pour l’ensemble des ruches que je ressens affaiblies une tisane “Chaleur de la ruche”(Valériane, Lavande, Romarin, Pissenlit) pour amener chaleur, calme, er renforcer l’immunité.
20 cl par jour, 2 fois par semaine maximum pendant toute la période dégradée,
En cas de sécheresse estivale, Une tisane “Eté trés chaud” sera la bienvenue. (Achillée millefeuille, matricaire et Echinacée) en y introduisant 5g de sel par litre d’eau argilée et 100g de miel par litre pour stimuler le système immunitaire et préserver les forces de vie.
A l’automne : Si les réserves semblent suffisantes pour préparer l’hiver, je propose une tisane “Préparation à l’hivernage” (Matricaire, Lavande, Thym, Origan) pour provoquer le calme, la chaleur, antiparasitaire. Si les réserves sont trop faibles, j’augmente le poids de miel à 800g/litre. Posologie en fonction des besoins de la ruche.
Cette démarche, entreprise depuis plusieurs années, se fait en collaboration avec Virginie Guillaume de “L’Ode Fleurs”, qui participe à mes aventures apicoles. Ensemble, nous avons mis en culture sur le site une petite parcelle de plantes médicinales.
Les tisanes sont administrées directement dans des nourisseurs, sur le dessus des élèments pour les ruches dadant ou warré, ou par la planche d’envol pour les ruches tronc ou paille.
Une pratique éprouvée mais non démontrée
Depuis quelques années, les expériences scientifiques se multiplient, concluant que les plantes, les insectes, l’ensemble du vivant est capable de ressentir des sentiments tels que la joie, la peur, la tristesse,… (cf les expériences de Martin Guirfa ou de Lars Chittka pour les abeilles)
Alors regarder avec attention la vie sous ses différentes formes et transmette cette attention par nos soins a un impact sur notre environnement. Les tisanes que je propose sont pour moi un moyen d’apporter une attention particulière aux abeilles.
Le taux de mortalité hivernal, sur mes ruchers se situe entre 10 et 30 % chaque année, la natalité y est toujours bien suppérieure.
Comme je l’évoquais plus en amont une partie de ma pratique consiste à favoriser l’essaimage. Ce qui à pour effet une augmentation conséquante du nombre d’essaims dont je m’occupe. J’en confie tous les ans quelques uns à des personnes très motivées et d’autres décident de retourner à la vie sauvage.
Cette année l’essaimage a été intense. Les ruchers sont bien peuplés. J’ai accompagné au mieux chaque nouvelle ruche ainsi que les anciennes. Le moment approche de la période du repos et de la non intervention. Il restera à envoyer une attention forte de protection sur chacun des essaims. Et à attendre avec patience et humilité le printemps prochain en espérant retrouver mes chères amies en bonne forme.
Même si je suis convaincu de l’impact de l’accompagnement que je viens de vous présenter, rien à ce jour ne me permet de mesurer avec certitude le résultat sur les abeilles. Par contre, il est certain que ce chemin que me font parcourir abeilles et plantes ,vers une apiculture sensible, à un impact réel sur mon épanouissement et mon lien au vivant.
“Vous travaillez afin de marcher au rythme la terre et de l’âme de la terre.” Khalil Gibran
Par Thierry Masson
Fabriquer une ruche-tronc
Publié hors série automne 2023
Fabriquer une ruche tronc, c’est offrir un habitat de choix aux abeilles. C’est aussi à l’image des fabricants de bol à thé (raku), insuffler une âme à la ruche, une intention, l’idée de prendre soin, l’idée de coopérer et de partager.
Le tronc, c’est aussi et surtout l’habitat naturel des abeilles. A l’état « sauvage » les abeilles vivent dans les arbres creux.
A l’origine, le plus souvent, de multiples blessures mécaniques sont causées par l’érosion dûe au vent, à la pluie, au gel. Dans un second temps, ce sont les xylophages, des êtres vivants qui se nourrissent du bois (bactéries, champignons, insectes) qui vont poursuivre l’ouvrage. Enfin, un peu plus gros, un pic, un écureuil vont finir de creuser la cavité pour y faire leur refuge. Lorsque ces derniers laisseront leur place, les abeilles viendront s’y installer.
A l’origine, les chasseurs cueilleurs grimpaient aux arbres pour s’octroyer un peu de miel dans le nid des abeilles.
Puis rapidement avec la sédentarisation, ils ont implanté celles-ci au plus proche, dans les villages.
Dans nos régions, le tronc creusé fut l’une des solutions les plus répandues, c’est un habitat traditionnel. Lorsque les apiculteurs décident de créer ce type de ruche pour y accueillir des abeilles, la qualité et la durabilité du bois vont faire partie des critères de choix.
Le chataîgnier traditionnellement utilisé dans les forêt de l’est de la Dordogne et dans les Cévennes est celui qui concilie le plus ses propriété. Néansmoins le premier critère restera les populations d’arbres peuplant les fôrets à proximité.
Pour implanter des abeilles,
Le volume de la cavité va être prédominant. A l’état sauvage, les études de Thomas Seeley montrent que la cavité moyenne est de 40 litres. Partant de ce principe, les ruches que je creuse avec les stagiaires vont respecter ou s’approcher de ce volume.
Pour garantir une bonne isolation je propose donc de partir d’un tronc de 45 à 55 cm de diamètre sur 1 mètre de haut. Nous choisirons des arbres tombés ou malades, il est hors de question de couper des arbres à la seule fin de réaliser notre ouvrage.
Notre première action sera de réaliser une ammorce à la tronçonneuse, technologie et modernisme oblige….
Puis viendra le travail à la gouge. C’est ici la partie la plus physique, notre energie ce met au service des futurs hôtes de la ruche. Les outils fabriqués par un forgeron local vont nous permettre de creuser un trou d’une forme cylindrique qui traverse de part en part le tronc, se sera le nid des abeilles.
La forme ronde de la cavité est parfaitement adaptée à la forme de l’essaim, nous allons ainsi éviter les angles morts qui sont souvent favorable à l’implantation de la teigne.
La ruche tronc, c’est un bio-top particulièrement favorable, une épaisseur et une qualité du matériau permettant une super isolation, une forme ronde pour mieux correspondre aux abeilles,….

Inspiré du travail de nos ancêtres qui lors de la sédentarisation ont réalisé ces premiers ouvrages, la ruche porte la sagesse de nos traditions.
Le dessus de la ruche, sous le toit qui crée l’étanchéité à l’eau, est composé d’un systhème de trois clés qui permettront un accés au stockage de miel en limitant les dégats liés à l’intrusion. Ces clés viennent s’engouffrer dans une partie décaissée que nous allons réalisé soit au ciseau à bois soit à la défonçeuse.
A l’intérieur ni cadres, ni barettes, les abeilles vont construire librement leurs rayons. Une logique qui leur est propre va en guider l’orientation, la forme et la taille. Accrochés aux clés et aux parrois, les bréches vont s’étendre du haut jusqu’au bas sans discontinuité.
Seul à un tiers du bas, deux branches se croisant vont consolider l’ensemble. Quelques centimètres plus bas, le trou de vol, percé à travers la paroi, va permettre aux abeilles d’entrer et sortir de la ruche. Un trai d’une quinzaine de centimètres de large et de 8 à 10 mm de haut le constitue.
La conduite de la ruche tronc est évidement peu intrusive. Ici pas question d’accéder au couvain. Juste potentiellement par le haut de la ruche, récolter un peu de miel en Avril, Mai ou donner des tisanes pour accompagner les abeilles dans leur cycle.
La conduite de la ruche est laissée aux abeilles, il faut leur faire confiance, et accepter avec humilité notre humble place au sein du vivant.
¨Par Thierry Masson